Une incompétence de Michelin, une incapacité à négocier de la part des dirigeants de la F1, un grand prix couru à six. C’est toute la Formule 1 qui prend l’eau.
Elles étaient loin, très loin au championnat, les Ferrari. Tellement loin qu’à la Scuderia on pensait déjà à la saison 2006, sachant que 2005 était une année ratée… à moins d’un miracle… Et le miracle a bien eu lieu, mais au détriment de la F1, du sport, des spectateurs et des téléspectateurs. Car à Indianapolis, si le podium était rouge, rouge Ferrari avec un doublé Schumacher-Barrichello, c’est la Formule 1 dans son ensemble qui était rouge… de honte.
Michelin incapable de trouver la cause du problème
La faute à Michelin, incapable de fournir des pneumatiques garantissant la sécurité des pilotes. Et quand on sait que le manufacturier français équipe sept des dix équipes de la Formule 1, on comprend tout de suite le problème que cela peut engendrer. Par contre, comprendre pourquoi ses pneus n’étaient pas fiables, Michelin n’a jamais réussi à le faire durant les trois jours du grand prix des Etats-Unis.
Tout commence par une violente sortie de piste de Ralf Schumacher au volant de sa Toyota lors des essais libres de vendredi. A l’entrée du virage relevé d’Indianapolis, son pneu arrière gauche voit sa pression chuter subitement. La monoplace est alors brutalement expédiée dans le muret. Le pilote allemand est choqué, mais indemne. Déjà accidenté l’an dernier au même endroit, les médecins lui interdiront de reprendre le volant pour la fin du week-end. Remplacé samedi par Ricardo Zonta, ce dernier est victime lui aussi d’un accident durant les essais libres. Michelin indique alors qu’il n’a pas d’explication au problème et que ses pneus ne résisteront pas pour la course.
Modifier le tracé pour rattraper l’erreur du manufacturier
Le manufacturier fait alors aussitôt venir de France des pneus déjà utilisés plus tôt dans la saison et surtout, plus résistants. Mais entre temps, le manufacturier qui interdit à ses partenaires de courir la course avec les pneus qu’il leur a fourni ne leur interdit pas de courir les essais et les qualifications avec. Or le règlement interdit de changer de pneus entre les qualifications et la course, sous peine de pénalités. Impossible donc d’utiliser les pneus fraîchement acheminés. On apprendra plus tard que de toute façon, après analyses, ces pneus n’auraient pas résistés non plus à la pression.
Michelin propose alors de… modifier le tracé afin de ralentir la vitesse dans la partie du circuit incriminée. Pour cela l’installation d’une chicane serait nécessaire. Solution que refusent Ferrari et la FIA. Il faut dire que si la Scuderia était si mal placée cette saison, c’est en partie à cause du manque de compétitivité de ses pneus. Des pneus plus performants ayant été mis de côté par l’écurie car jugés moins fiables et donc moins sûrs, comme l’indiquait hier Michael Schumacher : « Nous avons dû laisser à la maison des pneus qui étaient plus performants et à la durée de vie plus courte, mais nous avons fait ce choix avec Bridgestone en sachant la pression qui allait être exercée ici sur les pneus ». En gros, Michelin et ses partenaires ont commis une erreur, ce n’est pas à nous d’en subir les conséquences.
Un simulacre de grand prix
Dans l’impasse, la Formule 1 se présente pourtant dans son ensemble sur la grille de départ. Toutes les voitures s’élancent pour le tour de formation. Mais dans les paddocks, on voit bien que la tension monte entre les différentes parties. D’un côté les partisans du règlement, Ferrari en tête, et quasiment seule, de l’autre les écuries chaussées en Michelin, Renault en tête, et refusant purement et simplement de disputer la course si la chicane demandée par Michelin n’est pas mise en place. Au milieu, histoire de compliquer, les écuries Michelin souhaitant courir malgré tout, emmenées par Ron Dennis (McLaren). Le suspens durera moins de deux minutes. A l’issue du tour de formation, toutes les écuries Michelin font rentrer leurs voitures aux stands. Sur la grille, à l’extinction des feux, seules six monoplaces s’élancent. Aux côtés des Ferrari, les deux Jordan Grand Prix et les deux Minardi. Bref, que des écuries n’ayant remporté aucun grand prix cette saison.
Comble du ridicule, la Scuderia a failli, malgré le manque d’adversaire, ne pas finir la course. Schumacher fermant la porte à son coéquipier afin de préserver sa première place. Contraint de faire un écart, Barrichello se retrouve dans l’herbe. La Scuderia fait alors comprendre à ses pilotes que les deux voitures doivent impérativement rallier l’arrivée en bon état. C’en est alors fini du seul suspens et de la seule bagarre de cette… « course ».
Le malheur des uns…
Flavio Briatore, le patron de l’écurie Renault, enrage. « Peu importe que Ferrari remporte ses points. Tout ce que nous voulions, c’est courir pour les supporteurs et les spectateurs. Je suis désolé pour eux et pour les téléspectateurs du monde entier. » L’italien aurait souhaité l’installation de la chicane, que tous prennent part à la course et que seules les écuries Bridgestone marquent des points ? Un raisonnement bizarre, d’autant plus qu’à ce jeu là, les incidents de course auraient pu empêcher les trois écuries concernées de marquer de précieux points.
De là à se féliciter comme Jean Todt à l’arrivée, ce grand prix était celui de tous les excès. « Je suis particulièrement content que ce centième succès pour une voiture conçue sous la direction de Rory Byrne coïncide avec la quatre-vingtième victoire de la Scuderia depuis mon arrivée à sa tête. C’est une victoire très importante pour Ferrari dans un pays qui est notre premier marché. »
Il faut rappeler que ce premier doublé est aussi la première victoire de Ferrari cette saison. Pas de quoi pavoiser donc. Sauf qu’avec ce résultat, le constructeur se replace au championnat, remontant à la seconde place à égalité avec McLaren et à seulement 16 points de Renault. Même chose pour les pilotes, Schumacher et Barrichello remontant respectivement aux troisièmes et quatrièmes places. Mais là, l’écart est plus important avec le leader, Alonso, 25 points.
La Scuderia réussira-t-elle à profiter de cette remontée pour conquérir un nouveau titre mondial dans un championnat définitivement décrédibilisé ? La seule chose de sûre, c’est la joie de Tiago Monteiro, le pilote portugais, troisième au volant de sa Jordan Grand Prix. « Ce qui s’est passé est triste, mais moi, je suis content : il fallait être là. » Comme quoi, le malheur des uns fait bien le bonheur des autres.