Moment historique les 19 et 20 juin 2004 sur le circuit de Linas-Montlhéry. Un circuit qui fête ses 80 ans en accueillant la quarantième édition du Grand Prix de l’Age d’Or. Un anniversaire marquant puisqu’il s’agit également de la dernière compétition avant la fermeture définitive du circuit.
Alors que les courses automobiles existent depuis 1894, Alexandre Lamblin décide de créer en France un autodrome comme il en existe déjà en Angleterre, en Italie ou aux Etats-Unis. En 1924, les travaux sont confiés à Raymond Jamin, jeune ingénieur de 22 ans. La suite est une question de chiffres. Un mois suffira à tracer les plans, 7 mois à construire le circuit. 2 500 hommes installeront 1 000 tonnes d’acier, réaliseront 85 000 m3 de terrassement à la pelle et à la pioche et prépareront 8 000 m3 de béton façonné à la truelle ! Au final, un anneau prévu pour accueillir au bord de la piste des véhicules d’une tonne roulant à 230 km/h en ligne droite.
En 1925, une piste routière de 12 km est rajoutée. Dès les premiers mois d’utilisation, le circuit se révèle être un lieu de records en tous genres. 100 seront battus les deux premiers mois. Au 31 décembre 1955, sur 1 416 records mondiaux ou internationaux, 1 045 ont été établis à Monthléry.
Une gestion difficile
Mais très vite, la gestion du circuit se révèle être un véritable problème. Dès 1928, Alexandre Lamblin lui-même rencontre des difficultés dans sa gestion. Las, il mourra en 1935, à 51 ans. Après guerre, en 1946, l’UTAC remet le circuit en état. Malgré la disparition des grandes tribunes, le circuit accueillera la foule notamment lors des épreuves des 1000 km ou le trophée de France de Formule 2.
Conçu pour la compétition, le circuit sera marqué par la disparition d’Alberto Ascari. Pourtant, avec ses virages relevé le circuit fascine. Ils seront nombreux tous les dimanches, à venir se défouler et les défier.
Le temps aidant, et l’entretien manquant, le circuit se dégrade rapidement et les homologations nécessaires au déroulement des compétitions sont retirées une à une. 1995 voit se dérouler la dernière course moderne, une manche du championnat de Supertourisme.
Un circuit condamné
Aujourd’hui, le circuit sert encore pour des compétitions historiques, et surtout comme piste d’essais pour les constructeurs et les accessoiristes. Mais sa fermeture au public est prévue pour fin 2004. Une échéance qui entraine l’incompréhension des passionés.
Ainsi pour Xavier Gérard, membre de l’ABCC Fiat. « Il représente une histoire, un lieu chargé d’histoire et d’évocation. Quand on voit le nombre de visiteurs et surtout de participants à une manifestation comme le Grand Prix de l’Age d’Or, on se dit que ce qui fait l’intérêt d’une journée comme ça, c’est autant le cadre que la compétition ou l’exposition. Je crois que beaucoup de collectionneurs sont tristes que le circuit soit fermé et que se soit la denière édition cette année. »
Un avis partagé par Vincent de Fresquet, président de l’Autobianchi Club de France. « Montlhéry est un site historique, ça devrait être classé monument historique. Je crois qu’on ne peut décemment pas accepter que l’Etat ne prenne pas les mesures nécessaires pour protéger le site et éviter la démolition. Le site de l’UTAC est immense. Je pense que rien que l’anneau c’est minime par rapport au reste du site, et que sur ce plan là l’Etat ne fait pas son travail. Il aurait dû, et on peut espérer qu’il le fasse, en tous cas faire en sorte que l’anneau lui-même soit classé et qu’il soit conservé. Le reste du circuit routier, qui ne sert plus depuis des années, on peut comprendre effectivement qu’à des fins immobilières on veuille vendre les terrains. Mais en revanche l’anneau en lui-même, c’est vraiment pas acceptable. »
Et Tony Caplan, président de la Scuderia Rossa d’ajouter : « Montlhéry c’est sûr que c’est l’histoire de l’automobile, c’est 80 ans d’histoire de sport automobile. C’est vrai que c’est très dommageable aujourd’hui qu’en France on ne puisse pas garder un tel outil pour le sport automobile et pour l’histoire du sport automobile. C’est vraiment dommage que les pouvoirs publics ne veuillent pas se battre pour racheter le circuit et que l’on puisse continuer à faire des courses, l’entretenir et continuer à faire vivre l’histoire de la voiture en France, et en région parisienne. »
De nombreuses initiatives
Pour lutter contre la fermeture du circuit, de nombreuses initiatives ont vu le jour depuis près d’un an. De la création de la fondation O’Born qui a déjà recueillie plus de 10 000 signatures dans sa pétition, aux initiatives personnelles, personne ne reste indifférent.
Xavier Gérard a pour sa part créé une affiche détournant le film « Le silence des agneaux » ! « C’est juste une façon d’exprimer ma tristesse face à la fermeture de l’anneau. J’espère qu’il y aura encore peut-être un moyen de sauver l’anneau. Que les choses aboutiront et que des manifestations comme le Grand Prix de l’Age d’Or seront appelées à se renouveler. »
L’Age d’Or, déjà 40 ans de compétitions
Créées en 1964 par Serge Pozzoli, les Coupes de l’Age d’Or se dérouleront pour le première fois en ouverture du Grand Prix de Formule 1 sur le circuit de Rouen les Essarts. Quatre ans plus tard elles s’installeront à Monthléry avant de devenir le Grand Prix de l’Age d’Or. Aujourd’hui, cette manifestation est devenue la manifestation incontournable pour tous les passionnés d’automobiles anciennes. On vient du monde entier, et pour les clubs c’est souvent la plus importante manifestation de l’année. Le grand prix de l’Age d’Or est d’ailleurs la troisième manifestation automobile en France en terme de fréquentation, après les 24 heures du Mans et le Grand Prix de France de Formule 1 !
« On va être clairs, l’Age d’Or c’est la plus grosse manifestation du club, en tous cas c’est la manifestation du club qui permet à tous les adhérents de la France entière de venir, explique Vincent de Fresquet. C’est vrai que quand on fait une sortie en région parisienne ou en Normandie, c’est surtout les gens du secteur qui vont venir. Montlhéry reste un vecteur immense, et tous les adhérents quelque soit leur région de provenance, viennent à Montlhéry. Là sur le stand, on a des adhérents qui viennent de Toulouse, de Limoges, qui viennent d’un peu partout. Y’a que Montlhéry pour faire ça, sinon ils viennent pas ! »
D’après un diagnostic réalisé il y a deux ans, 230 000 Euros annuels seraient nécessaire pour l’entretien du circuit. Une somme qui semble correspondre aux rentrées d’argent générées par les différentes manifestations organisées. Mais l’UTAC refuse tous frais et toutes nouvelle demande d’homologation. Différentes possibilités subsistent pourtant, proposées par la fondation O’Born ou la municipalité elle-même. Exproprier l’UTAC ou bien classer le circuit en monument historique par exemple, avec toutes les lourdeurs administratives que cela implique.
La prochaine édition à Dijon
En attendant, les organisateurs de l’Age d’Or ont profité de cette édition pour indiquer qu’en 2005, le Grand Prix se déroulerait à Dijon.
Pour Tony Caplan ce changement va nécessiter du temps. « L’Age d’Or à Dijon ça va changer pas mal de choses. A mon avis l’esprit sera pas forcément le même, donc il faudra quelques années pour que le musée roulant s’exporte. Les anglais viendront toujours, c’est pas trop le problème. Il y aura peut-être moins de gens de la capitale qui ne voudront pas faire trop de kilomètres pour aller jusqu’à Dijon. C’est une page qui se tourne. »
D’autres comme Vincent de Fresquet ne semblent pas près de la tourner. « Dijon j’y vais pas. Aujourd’hui le club touche toute la France mais il y a quand même 60% des adhérents qui sont parisiens. On avait fait une expérience l’année dernière à Pouilly et ça a été très décevant parce que les parisiens ont dit ‘non c’est trop loin, on ne fait pas 800 km aller-retour avec la voiture’. C’est vrai que les gens n’ont pas tous des plateaux, l’Autobianchi surtout reste une voiture de gens qui n’ont pas nécessairement beaucoup d’argent. Donc ils vont prendre la route et ils ne veulent pas prendre le risque de faire 1000 km aller-retour dans le week-end et risquer une panne. Donc c’est vrai, franchement, Dijon on n’y sera pas. En l’état actuel des choses on n’y sera pas. »
La fermeture de l’anneau de Linas-Monthléry pourrait donc bien marquer le début d’une période difficile pour le Grand Prix de l’Age d’Or mais aussi pour les clubs de marque. En attendant, il ne reste plus que quelques mois pour trouver une solution, et tenter de sauver l’autodrome.