Dans la nuit du samedi 20 août 2005, à l’hôpital de Bourges, André CHARDONNET s’est éteint des suites d’une longue maladie. Pendant une cinquantaine d’années, il a profondément marqué le paysage du monde automobile français.
Il était un des derniers grands importateurs de voitures dans notre pays avant que les constructeurs ne décident de reprendre leur liberté. Nombreux sont ceux qui ont pu le rencontrer et constater à quel point sa passion restait débordante, sa gentillesse immense, même s’il gardait une poigne de fer et si ses coups de gueule résonnent encore dans les oreilles de certains.
André CHARDONNET, était un fils d’Auvergnat agent d’assurances à Pantin et associé dans un garage automobile. Dans un premier temps il travaille avec son père, mais avec le début de la seconde guerre mondiale il quitte la région parisienne pour l’Auvergne. En ces temps difficile il écume les routes d’Auvergne en Peugeot 402 pour livrer le journal “La Montagne”.
Rapidement il remonte sur Paris où il se lance dans l’assurance des chevaux !!!. Grâce à son immense bagout, il arrive à convaincre ses clients qu’il est utile d’assurer leur cheval, comme l’on assure sa voiture. Mais de peur de devoir se retrouver au Service du Travail Obligatoire, et grâce à l’aide d’une amie, il repart en province.
Un garage à Pantin
A la fin de la guerre et avec l’aide de son père, il rachète un garage à Pantin, rue Étienne Marcel (adresse et locaux qui resteront ceux de CHARDONNET SA jusqu’au déménagement à Bobigny au début des années 70) dans lequel il vend des voitures d’occasion. Très rapidement, il se spécialise dans la marque BMW sur les recommandations de Raymond SOMMER, pilote émérite. Il apprécie ses autos et surtout la qualité de leur mécanique.
En démontant un moteur BMW, il remarque l’exceptionnelle qualité de leurs pistons fabriqués par la célèbre maison MALHE. Au gré des rencontres et de l’aide d’amis, il parvient à rencontrer les Frères MALHE et devient ainsi l’importateur exclusif des fameux pistons pour la France.
Puis, des liens existant entre la marque BMW et la marque anglaise BRISTOL, André CHARDONNET cherche à devenir importateur de cette marque. Seulement les anglais estiment que la structure CHARDONNET est trop jeune, pas assez grande, ni assez prestigieuse pour lui confier l’importation de leurs voitures. Ainsi il se retournent vers Robert LALOU. Mais ce dernier montrent peu d’enthousiasme pour les Bristol et en 1949, Chardonnet récupère l’importation Bristol et ouvre son hall d’exposition du 48 avenue Kleber dans le XVIème arrondissement de Paris (adresse qu’il conservera jusqu’en 1991 date de la fin de ses activités – Aujourd’hui ce magasin abrite un spécialiste de la photocopie !!!).
Parmi ses premiers clients il comptera Georges POMPIDOU, grand passionné de voitures, puisque même lorsqu’il sera Président de la République il roulera en Porsche 356.
Un certain talent en compétition
En dehors de ses activités commerciales, André CHARDONNET s’essayera à la compétition et montrera un certain talent. C’est ainsi qu’il passera à deux doigts de la victoire au Rallye de Monte-Carlo de 1960. Mais sa carrière de pilote sera courte, ce dernier préférant se consacrer à la réussite de ses affaires.
En 1959, il devient l’importateur en France de la marque NECKAR qui construit en Allemagne des Fiat sous licence. A cette occasion il met en place le “Réseau Chardonnet” avec 100 puis 130 concessionnaires. Son succès est tel qu’il parviendra à faire fabriquer par le constructeur “son” cabriolet, carrossé par Michelotti, la “Saint-Trop”.
En 1962, le Commendatore BONELLI, qui était responsable de Neckar, prend les commandes d’AUTOBIANCHI. Connaissant l’extraordinaire dynamisme d’André CHARDONNET, il décide de lui confier la diffusion de notre marque fétiche. Bien entendu il commence par importer la Bianchina, hormis la Transformabile. Mais avec son grand sens du commerce les Bianchina françaises auront toutes une dénomination commerciale différente de leurs sœurs italiennes. Ainsi la Bianchina Coupe devient la Bianchina LUTECE, le Cabriolet devient EDEN ROC et la Panoramica (version break) devient la TEXANE, et bien entendu le succès est au rendez-vous.
La France devient le premier marché d’AUTOBIANCHI en dehors de l’Italie
Dès sa mise sur le marché, il vend la Primula, voiture révolutionnaire pour son temps avec son moteur transversal, sa traction avant, ses quatre freins à disques. L’efficacité du Réseau CHARDONNET est grande puisque la France deviendra le pays où la Primula sera la plus vendue après l’Italie. Il faut dire que Monsieur CHARDONNET sera dès sa sortie très enthousiaste pour ce modèle. A tel point que, le succès tardant en Italie (en raison du hayon arrière peu apprécié), le Directeur Général d’Autobianchi, Monsieur GOTTARDI, demandera à notre homme de faire rouler dans la région de Milan, région de production de la marque, une caravane de Primula, toutes immatriculées en France, ce qui nécessita la “réquisition” de 120 concessionnaires du “Réseau Chardonnet”.
A cette période, la France devient le premier marché d’AUTOBIANCHI en dehors de l’Italie. Il faut dire que pour l’époque les techniques commerciales de vente du “Réseau Chardonnet” sont révolutionnaires, elles aussi. En effet, au moment où Fiat et ses concurrents n’accordent qu’une garantie de six mois sur les véhicules neufs, André CHARDONNET en propose une de DEUX ans.
Pour l’A111, les choses ne seront pas très simples en raison de la puissance fiscale retenue par l’État. Néanmoins, par son dynamisme et ses idées lumineuses, André CHARDONNET parviendra à en vendre un certain nombre, à tel point que les italiens viendront le solliciter à la fin de l’année 1972 pour vendre 300 A111 BS Rouge Pompier dont ils n’arrivaient pas à se débarrasser. Celui-ci acceptera de les acheter, certes à un prix très négocié et eu l’idée de lancer un concours “Vitrine de Noël” au sein de son réseau pour les revendre. Ainsi en quelques semaines chaque concessionnaire du réseau se verra attribuer deux de ses fameuses A111 et les belles invendables furent vendues.
Le grand bluff
Mais ce qui fera la force du réseau de notre dynamique importateur c’est l’arrivée de l’A112. André CHARDONNET ne ménage pas ses efforts pour développer son entreprise. Il dispose de locaux à Saint-Florentin, dans l’Yonne, pour assurer la préparation et le contrôle de l’ensemble des voitures qu’il importe. Ses locaux de Pantin étant devenus trop petits, il s’installe en 1970 sur un terrain de 24.000 m2 à Bobigny dans des locaux tous neufs.
Pourtant en 1968-69 les choses ne furent pas simples. En effet, en raison de l’accord CITROËN – AUTOBIANCHI, la FIAT veut retirer à André CHARDONNET l’importation de la marque AUTOBIANCHI pour la confier à CITROËN. Celui-ci pense à ce moment là qu’il est ruiné. A cette époque, même les responsables de Citroën sont choqués de cette décision de la famille AGNELLI. Il faudra toute sa ruse pour que dans un premier temps les AUTOBIANCHI soient conjointement distribuées par CITROËN et le Réseau CHARDONNET.
L’histoire (mais c’est l’histoire …) veut qu’au moment de la renégociation avec FIAT André CHARDONNET ait fait un coup de bluff extraordinaire en menaçant de tout rompre pour s’occuper de l’importation de voitures japonaises. Pour appuyer ses dires un certain nombre de “japonais” attendent devant la porte de son bureau. Finalement les dirigeants de FIAT préfèrent trouver cette solution de compromis sachant que très rapidement, André CHARDONNET redeviendra l’importateur exclusif d’AUTOBIANCHI.
En effet, même les clients qui ont achetés leur AUTOBIANCHI chez Citroën, préfèrent les faire entretenir dans le “Réseau Chardonnet” pour la qualité du service proposé.
Mais alors ces “japonais” qui étaient-ils ? Des étudiants qu’André CHARDONNET aurait été chercher à la Cité Universitaire et rémunérés en contrepartie de leur seule présence.
Les italiens vexés
Dès le départ le succès en France de l’A112 est immense et il est dû, outre les qualités de la voiture, au dynamisme de Monsieur CHARDONNET et une fois encore la France sera le pays où l’A112 se vend le mieux après l’Italie.
Le succès grandira avec l’arrivée en 1971 de la version ABARTH 58HP. Grand amateur de Megève, André CHARDONNET décide de partir dans sa station préférée avec son nouveau petit bolide. Il le trouva tout de suite extraordinaire, mais eu égard aux qualités du châssis pensait que la puissance pouvait encore augmenter. Ses ateliers se penchent sur la petite nouvelle, augmentent la puissance et prouve le bien fondée de l’idée. C’est ainsi que les italiens, vexés de cette initiative demandèrent à l’Ingeniere LAMPREDI de revoir sa copie. Très vite l’A112 ABARTH 70HP est présentée au public avec le succès et la notoriété que l’on connaît.
Parallèlement le Réseau CHARDONNET s’implique dans l’aventure sportive de l’A112 ABARTH. En 1976 et 1977 plusieurs A112 sont engagées par l’écurie ASEPTOGYL de Bob NEYRET au Rallye de Monte-Carlo avec le soutient du Réseau CHARDONNET. De nombreux pilotes qui plus tard deviendront professionnels, tel Bruno SABY, ou François CHATRIOT, Jean-Pierre MALCHER, feront ainsi leurs armes. Puis dans les ateliers de Bobigny sont mises au point les fameuses Groupe 2 de 90cv.
Création de la Coupe Autobianchi
Enfin en 1978, André CHARDONNET, sur le modèle de ce qui existait en Italie, crée la Coupe Autobianchi. La Coupe sera ainsi maintenue jusqu’en 1981. Dans le même temps, les ateliers de Bobigny mettent au point la fameuse A112 ABARTH Groupe 4 équipée du moteur 1500 cc de la Lancia DELTA qui participera à de nombreuses épreuves.
En 1973, André CHARDONNET récupère l’importation de la marque LANCIA. Le challenge qui lui est imposé est lourd, puisqu’en un an, alors que la marque ne connaît plus de succès en France, il doit atteindre les scores de vente de l’Angleterre. A cette même époque, Lancia sort sa mythique STRATOS. Bob NEYRET avec son écurie ASEPTOGYL, sollicite André CHARDONNET, et confie une STRATOS à Bernard DARNICHE qui ainsi va remporter le Tour de France et le Tour de Corse.
Des Lancia bleu France en rallye
Ces succès incitent André CHARDONNET à créer une véritable écurie de compétition. Cette structure sera connue sous le nom de CHARDONNET COMPÉTITION et la fameuse STRATOS Bleu France de Bernard DARNICHE reste à jamais gravée dans les mémoires. Cette écurie, dirigée par Jacques LEVACHER (qui en 1983 partira rejoindre Jean TODT et le PTS pour développer la Peugeot 205 Turbo 16), qui restera toujours privée, sera celle qui apportera le plus de victoires à la Lancia STRATOS (41 au total). Outre trois victoires en Championnat du Monde (Tour ce Corse et Rallye de Monte Carlo), l’Écurie CHARDONNET reportera deux titres de Champion de France et deux titres de Champion d’Europe. D’autres pilotes conduiront la STRATOS, et notamment Michèle MOUTON.
Les STRATOS CHARDONNET étaient directement préparées à Bobigny, sauf les moteurs qui étaient confiés au préparateur italien MAGLIOLI. C’est sur ce seul point que l’usine LANCIA apportera une aide à l’écurie française, en prenant en charge partiellement les frais de préparation des moteurs.
Après l’arrêt de la STRATOS, l’écurie CHARDONNET se tournera vers le nouvel étalon de Lancia en rallye, la superbe 037. C’est ainsi que, toujours parée de sa couleur Bleu France et sponsorisée par PIONEER, Jean-Claude ANDRUET pilotera pour le compte de CHARDONNET pendant les saisons 1983 et 1984.
Homme de passion et de challenge, au Rallye de Monte-Carlo 1985, André CHARDONNET fait un pari avec Élisabeth de FRESQUET en engageant une A112 ABARTH Série 7, strictement d’origine sans assistance technique, ni reconnaissance. Simplement la voiture était contrôlée par les concessionnaires de son Réseau à chaque étape. Pari gagné puisque la voiture termine le rallye avec une Coupe des Dames Scratch. Il souhaite promouvoir ce succès par une campagne publicitaire. Seulement l’A112 est en fin de carrière et la FIAT s’y oppose alors qu’AUTOBIANCHI va lancer l’Y10. Pourtant il sent que cette dernière ne rencontrera pas le même succès que l’A112. L’avenir, une fois de plus, lui donnera raison.
Pas de renouvellement de contrat
Malheureusement ses rapports avec la FIAT ne présagent pas de bonnes choses pour l’avenir. La fin du contrat d’importation accordé à André CHARDONNET approche et un renouvellement ne semble pas se profiler. C’est ainsi que le 30 mai 1988 l’aventure LANCIA – AUTOBIANCHI se termine. Il est certain qu’aujourd’hui les dirigeants de FIAT doivent avoir quelques regrets quand on voit les résultats de LANCIA en France, mais ainsi va la vie.
Après cette rupture, et pour rebondir, André CHARDONNET va se tourner vers les coréens pour importer la marque HYUNDAÏ. Malgré un accord des coréens, le Gouvernement Français s’opposera à ce projet. C’est ainsi que le Réseau CHARDONNET distribuera les marques MASERATI et MARUTI, les 4 x 4 ARO (roumains) et BERTONE à moteur BMW.
A cette même époque CHARDONNET SA quitte Bobigny pour Roissy le long de l’autoroute A1 (aujourd’hui les locaux sont occupés par DHL) et l’aventure cessera en 1991, date à laquelle André CHARDONNET décidera de prendre une retraite bien méritée.
Même retiré des affaires, il continuera à garder un œil bien veillant sur l’automobile et tous ceux qui ont pu l’approcher ces dernières années garderont un grand souvenir de sa passion et de sa gentillesse.
Voici rapidement quelle fut l’extraordinaire de ce Grand Monsieur de l’automobile en France, et un des derniers véritable représentant de la passion automobile et aujourd’hui nous sommes tous tristes de sa disparition. Les passionnés de Lancia et d’Autobianchi sont tous en deuil.
Merci à Vincent de FRESQUET, Président de l’Autobianchi Club de France
1 commentaire
Un grand monsieur de l’automobile nous a quitté
bonjour
je suis entrain de creer la replique a 112 abarth 1976 conduite par CHRISTINE DACREMONT,seriez vous d accord de m aider en m expliquant ce qu il manquera au niveau des arceau ,coupe circuit e t c….. pour qu elle soit conforme et savoir si elle peut etre exposer au salon retromobile en vous remerciant d avance