La passion est-elle toujours égoïste ? La FFVE prouve que non en ouvrant son stand du salon Rétromobile à la Fondation Jérôme Lejeune et en s’engageant à ses côtés dans la recherche scientifique. Premier événement commun, une vente aux enchères automobile au profit de la Fondation.
– Nicolas Lépissier, vous êtes le directeur de la Fondation Jérôme Lejeune, mais pouvez-vous d’abord nous présenter la FFVE ?
La FFVE est la Fédération Française des Véhicules d’Epoque. C’est une fédération qui a le mérite de regrouper la plupart des clubs français, à savoir un peu plus de 900 clubs français de véhicules. Quand on dit véhicules, c’est à la fois des voitures, des véhicules militaires, des motos, des poids lourds et bientôt du matériel agricole. C’est une fédération qui connaît, sous l’impulsion de Claude Delagneau, son Président un dynamisme extraordinaire. Elle réunit tous les amateurs de mécanique. Vous y retrouvez l’esprit habituel du monde des collectionneurs, où les gens se retrouvent quelle que soit leur condition professionnelle, sociale, physique même, autour d’une passion. C’est un endroit extraordinaire d’amitié et de grands moments. La FFVE a donc cette culture de l’amitié et de la solidarité.
– Qu’est-ce que la Fondation Jérôme Lejeune ?
La Fondation Jérôme Lejeune est une fondation de recherche Reconnue d’Utilité Publique. Elle intervient auprès des enfants, adolescents et adultes touchés par les maladies génétiques de l’intelligence. Il y en a un peu plus de 800 000 en France et la maladie la plus connue est la trisomie 21 (un peu plus de 50 000 personnes). La trisomie touche une conception sur 650, ce qui est très important. En comparaison, la myopathie qui est très connue grâce au téléthon touche environ 1 personne sur 25 000.
Depuis maintenant dix ans nous recherchons des moyens financiers auprès du privé puisque les pouvoirs publics ne nous aident pas. Nous avons eu très récemment l’idée de faire une vente aux enchères autour de l’automobile et de l’automobilia.. Nous nous sommes dit finalement qu’il était sans doute plus facile de demander à des personnes un objet dans le domaine automobile plutôt qu’une somme d’argent qui tombe toujours mal et représente souvent une dépense lourde pour un budget. En revanche, dire à des collectionneurs ou à des personnes :
« Voilà, auriez-vous un véhicule, des objets ou des souvenirs autour de l’automobile que vous pourriez donner pour aider une fondation de recherche à trouver des solutions pour guérir un jour des personnes malades ? Cela prenait un sens réel… tout en apportant des avantages induits en plus de l’aide à la recherche. La voiture donnée et qui était au fond d’un garage pour être restaurée le jour ou son propriétaire aura le temps de la restaurer, aura la possibilité d’être utilisée et de servir son nouvel acquéreur. Enfin et surtout, le montant de la vente sera déductible des impôts de son ancien propriétaire, à hauteur de 66%, dans la limite de 20% de son revenu imposable.
– Comment vous est venue l’idée ?
Un jour, un monsieur, un donateur de la fondation, est venu nous voir avec un sublime bouquin sur Le Mans, signé par Fangio et tous les grands noms du sport automobile de l’époque. Il nous a dit, « voilà, je vous le donne, vendez-le, vous en tirerez toujours quelque chose ». On lui a répondu qu’il venait de faire beaucoup plus qu’un simple don. Il nous avait donné une idée épatante. Aujourd’hui on est au début de Rétromobile mais rien qu’avec l’information que nous avions faite au sein de la Fondation, 5 automobiles nous ont déjà été données.
Ce ne sera jamais des gros prix, “hélas”, mais ce sont des choses intéressantes, amusantes. Il y a une Jaguar qui nous a été donné par un monsieur qui l’a depuis des années au fond d’un garage et qui ne s’en sert pas. Nous avons une Mercedes d’un monsieur de 85 ans qui dit, « je suis trop vieux pour conduire, c’est une première main, je vous la donne”. C’est une Mercedes, assez ancienne mais qui possède un intérieur cuir de toute beauté. Nous avons aussi une DAF. Ca c’est une dame un peu âgée. Aujourd’hui il est amusant de voir que les DAF remontent pas mal parce que ça fait partie des petites voitures assez originales qui plaisent beaucoup. On a eu une CX, qui est la dernière CX produite par Citroën. Il y a même le tampon de l’usine. C’est une CX Prestige, qui a 160 000 kilomètres et qui est dans un état superbe. Et puis on nous a donné hier une Matra Rancho. Là encore ça représente un petit prix mais ça plaira à des gens qui seront très contents d’acheter cette voiture et de servir en plus la cause de la recherche.
– Vous parlez de voitures, mais vous avez dit que l’idée venait d’un livre. Il y a d’autres objets je suppose ?
Oui, il y a d’autres objets. Des objets qui sont assez fameux. Il y a entre autre deux documents signés par Enzo Ferrari. Une photo tout d’abord, une photo en noir et blanc. Et puis on a surtout un gros bouquin en trois volumes sur Ferrari. C’est un cadeau qu’Enzo Ferrari avait fait au professeur Jérôme Lejeune et qu’il lui avait dédicacé. C’est un cadeau qu’il avait fait au professeur Lejeune d’ailleurs. Il lui avait dédicacé.
Nous avons des photos de Juan-Manuel Fangio, des
bouchons de radiateurs, une cocotte Voisin. Vous savez les bouchons de radiateurs faits par Gabriel Voisin. Il y en a un qui s’est vendu la semaine dernière à Paris à des prix démentiels. Nous avons des documentations sur Bugatti, et puis beaucoup de Dinky Toys.
Curieusement, les Dinky Toys ressortent et on les a de façons très étonnantes. Une dame par exemple, nous a offert une collection de Dinky Toys qui appartenait à son frère qui avait une myopathie de Duchesne et qui en est mort à dix huit ans. Tous ses jouets ont été conservés dans un coin. En nous les remettant, elle nous a dit que tous ces jouets avaient été gardés pour pouvoir nous les remettre aujourd’hui !
On a énormément de véhicules, à tel point que l’on est en train de se demander si l’on ne va pas faire une vente Dinky Toys.
– C’est la première fois que vous faîtes ça ?
Oui. En plus dans le domaine de l’automobile, ça nous a permis en plus de nouer ce partenariat avec la FFVE, qui est un très très beau partenariat. On a des personnes assez prestigieuses qui nous ont rejoints. On a Pescarolo, Beltoise, Ragnotti, Vatanen, qui nous ont donnés des casques ! Ils sont en plus dédicacés. Là je viens de voir un journal qui s’appelle Gazoline qui vient de nous dire qu’il nous rejoignait dans l’aventure et nous faisait une pub gratuite. Il y a vraiment un grand mouvement d’amitié et de compréhension pour les personnes que nous cherchons à soigner.
– C’est vous qui avez contacté la FFVE ?
Oui. Pour tout vous dire, Claude Delagneau était mon président de club à l’époque où j’étais membre du club Hotchkiss. Un jour je l’ai appelé en lui disant qu’il fallait que je lui parle d’un projet. Il a vu un peu ce que l’on faisait et il a dit, « mon vieux, je mets la fédération à ton service ». 140 000 adhérents, c’est quand même pas mal, et plus de 500 000 véhicules ! C’est quand même un poids non négligeable !
– Concrètement, comment s’articule le partenariat ?
Première chose, on est hébergés gratuitement pendant 10 jours à Rétromobile avec notre documentation et nos affiches. C’est déjà tout à fait remarquable. Claude Delagneau nous envoie aussi pas mal de monde… Deuxièmement, avec la FFVE on va faire toute une information demain dimanche à son assemblée générale, auprès de tous les clubs qui seront présents. Information qui sera reprise dans le bulletin interne de la FFVE. Et surtout, on va sans doute organiser un très grand événement national après les vacances prochaines, avec la FFVE, dans plus de 3000 endroits en France.
– Quand aura lieu la vente aux enchères ?
Elle est prévue soit fin mai-début juin si on a atteint les objectifs en termes de lots. Soit en octobre s’il manque quelques lots. La date limite de dépôt des objets est fixée au 20 avril 2006.
Les objectifs ? J’aimerai beaucoup qu’on atteigne une quinzaine de véhicules. Et en documents, on a quasiment ce qu’il nous faut car on en a déjà énormément.
Claude Delagneau, Président de la FFVE |
Comment vous êtes vous décidé pour faire ce partenariat ? Les collectionneurs ont du coeur. Ca c’est connu. Lorsqu’il y a de gros problèmes, la fédération s’investie. Entre autre quand il y a eu ce séisme dans le sud-est asiatique. Nous avons fait appel aux collectionneurs et puis on a été particulièrement écoeurés quand on a reçu les très beaux livres en remerciement. La Croix Rouge avait en effet éditée de très beaux livres. Moi qui suis un ancien éditeur, je suis bien placé pour connaître le prix d’un tel livre. On a été complètement écoeurés en se disant que l’on n’avait pas fait des dons pour faire des éditions mais pour aider ces pauvres naufragés. Parallèlement à ça, Nicolas Lépissier est un de mes vieux copains collectionneurs. J’ai été son président pendant des années au club Hotchkiss et Nicolas, avec la passion, avec le grand coeur qu’il a, s’est mis au service de la Fondation Lejeune. Je n’ai jamais été insensible à cette fondation parce qu’étant maire par ailleurs, j’ai eu dans ma commune deux cas à gérer comme ça. Tant que les parents sont là, ce n’est déjà pas très drôle, mais alors quand les parents disparaissent… Donc j’étais sensibilisé et j’ai décidé avec mes administrateurs d’aider cette fondation Lejeune. L’un de nos administrateurs qui est commissaire priseur et qui s’appelle Jean-Pierre Osenat, va faire une vente tout à fait sans frais… donc au profit de la Fondation. Il s’agit soit de voitures, soit d’objets automobiles. Les grands pilotes s’associent. Hier soir j’avais Gérard Larousse sur le stand, mais aussi Jean-Claude Andruet. Tout le monde se mobilise. Henri Pescarolo, qui est un de mes amis, et en plus un de mes administrés, que je connais bien et qui a un gros coeur, s’est associé à notre mouvement. Mouvement qui était déjà emmené par Ari Vatanen, mais là je n’y suis absolument pour rien. Concrètement, vous leur offrez de la visibilité et de la notoriété. |