Olivier François, un français à la tête d’une marque italienne

par Vincent Royer

Depuis 2005, c’est un Français, Olivier François, qui dirige la marque Lancia. Nous l’avons rencontré en Italie. L’occasion de faire le point sur la situation de la marque et son avenir.

Comment en 2005 vous êtes-vous retrouvé, vous le Français, à la tête de la marque automobile italienne par excellence ?
Déjà parce que je suis de moins en moins français ! Je plaisante évidemment, mais vu par les italiens, je suis devenu assez italien. Cela fait cinq ans que je travaille en Italie. J’ai dirigé la filiale Citroën en Italie avec d’assez bons résultats. Et j’ai rejoint l’équipe du groupe Fiat pour essayer de donner un second souffle à Lancia.

De toute évidence ce qui avait plu à M. Marchionne, PDG du groupe, dans l’approche sur Citroën, cela avait été le repositionnement complet de la marque. C’était une marque qui avait elle aussi son passé, son histoire. Une marque qui souffrait d’un positionnement un peu banal et qui est devenue la marque des jeunes, la marque à la mode en Italie. Alors je ne sais pas, je n’en ai jamais parlé avec lui, mais il est probable qu’il ait voulu que l’on s’inspire de cela pour Lancia.

Parce que Lancia était clairement à la croisée des chemins il y a deux ans. C’était une marque vraiment petite, avec peu de modèles, pas beaucoup de plans pour lancer de nouveaux modèles et pour relancer la marque, et extrêmement centrée sur l’Italie.

Une mission sauver Lancia, et des résultats

A l’époque, Lancia était même voué à la disparition pure et simple. Quelles ont été vos premières actions ?
Nous ne tournions pratiquement que sur deux modèles. Il y avait l’Ypsilon et la Musa avec des résultats assez satisfaisants en Italie, beaucoup moins à l’étranger. La Lybra était en train de sortir de production. La Phedra est faite en commun avec le groupe PSA. Et la Thesis est une voiture de niche, c’est la voiture des ministres en Italie mais en fait elle n’a jamais été bien au-delà. En plus, il n’y avait aucun plan de renouvellement.

Nous nous sommes posé la question de savoir ce qu’était Lancia. Nous avons analysés les 100 ans d’histoire, les qualités, les défauts, la façon dont nous étions perçus, et nous nous sommes dit qu’en réalité il y avait un espace de marché, il y a une place en Europe, et pas seulement en Italie, pour une voiture qui aurait deux caractéristiques. Le design italien d’abord. Ce que j’appelle l’élégance italienne, l’élégance de ce lieu où nous sommes, le lac de Côme, la Villa d’Este, l’imaginaire du raffinement italien, du Nord de l’Italie parce que ce n’est pas une marque du sud. Et puis le tempérament. C’est-à-dire la volonté d’exprimer une certaine différence à travers les moteurs, les choix de style… C’est une marque qui a une très forte personnalité.

Sur cette base de l’élégance et du tempérament, nous sommes en train de reconstruire la marque. Nous agissons sur trois directions et d’abord sur la communication. Nous avons complètement changés les paradigmes. Lancia n’est plus la marque de l’élégance un peu poussiéreuse, l’élégance qui célébrait son passé, mais c’est une marque qui se projette dans le futur. C’est la marque des grands stylistes italiens, c’est la marque du design le plus évolué. Nous avons également agis sur les produits futurs et puis également sur les produits courants, en attendant les nouveaux produits.

Les premiers résultats sont-ils à la hauteur des ambitions ?
En Italie les résultats sont impressionnants. Depuis que l’on a fait ces changements sur l’Ypsilon, fin 2006, la voiture est devenue leader en Italie. C’est une voiture premium, un peu plus chère. J’appelle premium la voiture un peu haut de gamme. Elle est plus chère que les autres, elle est plus chère qu’une Fiat mais elle est devenue leader dans sa catégorie.

On a fait la même chose sur la Lancia Musa qui est devenue leader en Italie dans sa catégorie, qui est celle des monospaces, mais de tous les monospaces. C’est-à-dire les petits, les moyens, les grands, la Musa est celle qui vend le plus. C’est la plus chère, c’est la plus raffinée, c’est la plus belle, et c’est celle qui vend le plus.

Donc cette approche un peu élitiste, design, élégance, mode et tempérament plus audacieux, nous réussi. Avec la nouvelle Ypsilon Sport, et en collaboration avec Momo Design, nous avons voulu poursuivre cette démarche, la pousser un peu plus, et aller chercher une clientèle que nous avions un peu moins, la clientèle des jeunes. Ca c’est pour l’Italie.

Pour l’export, c’est pareil mais à des niveaux évidemment plus modestes parce que nous partons de plus bas. Nous sommes loin d’être leader en Europe aujourd’hui, mais on a un privilège : sur quinze pays où nous sommes présents, quatorze sont en augmentation. C’est une chose unique dans notre petit monde automobile. Parce que dans notre monde il y a des pays où ça marche, d’autres où ça marche moins bien, un sur deux, deux sur trois… Chez nous, à part la Grèce, tous les autres sont en progression. Et en France c’est également le cas. Nous y faisons de belles progressions.

Un problème de communication, de notoriété

Même si les marchés européens progressent, le gros des ventes reste en Italie. Il y a quelque temps, le marché italien représentait même plus de 80% des ventes. Comment l’expliquez-vous ?
En fait, qui connaît la voiture l’apprécie. Et ça c’est vrai partout, en Italie, en Allemagne, en France, c’est vrai absolument dans tous les pays. Les gens voient cette voiture, rentrent dedans, la conduisent, et disent ‘c’est autre chose, c’est vraiment autre chose’.

Une parenthèse sur l’Ypsilon. Il n’y a pas une voiture sur le marché qui soit équivalente. Quand vous vous rendez-compte du luxe qu’il y a, la planche de bord recouverte de cuir, c’est quelque chose que l’on trouvait dans les voitures anglaises ultra haut de gamme il y a pas mal d’années. En fait une voiture d’hyper luxe mais extrêmement compacte, ce que l’on appelle un petit vaisseau amiral, il n’y en a pas. Il y a des voitures à forte image, il y a la Mini qui est belle, qui a une bonne image, mais qui n’atteint pas du tout ces niveaux de finition. De silence également. Parce que c’est une voiture qui se conduit dans le silence d’une limousine. Donc une approche de ce type là, il n’y avait pas.

Qui la connaît, généralement en tombe amoureux. Ca c’est le point fort. La différence entre l’Italie et le reste du monde, c’est qu’en Italie, presque tout le monde a tôt ou tard l’occasion d’en trouver une sur sa route, de monter dedans, de l’essayer, et là, c’est bingo. Dans les autres pays, nous ne sommes pas assez connus. C’est très clair. Et nous ne sommes pas assez connus parce qu’il faudrait, et il faudra, beaucoup d’argent pour nous faire connaître. Beaucoup d’argent en publicité, en réseau, pour rapprocher les gens de nos voitures. C’est ça qui explique la différence, pas la qualité des voitures.

S’il s’agit uniquement d’un problème de communication, pourquoi ne pas communiquer plus ?
Nous attendons tout simplement d’avoir également plus de modèles à proposer. Si je veux donner beaucoup de visibilité à la marque, et on en a besoin et on le fera, c’est des dizaines de millions d’euros d’investissement publicitaire. Si j’investie beaucoup d’argent en publicité sur un marché comme la France et que de l’autre côté les gens poussés par la publicité viennent dans les showrooms et découvrent deux ou trois modèles très sympas, qui vont plaire mais qui ne sont pas nécessairement la voiture qui convient à toutes les familles, ou à tous les individus, j’aurais fait un investissement pour rien. Ce que nous attendons pour revenir de façon assez importante sur le marché français en termes de communication, de notoriété, c’est de compléter la gamme.

La France, principal marché pour demain

Que représente le marché français pour Lancia ?
Le marché français pour Lancia représente l’un des deux ou trois principaux marchés. Même si les volumes sont encore faibles. Je pense que l’on fera 5000 voitures cette année sur le marché français. Il représente un des marchés où l’on vend un peu plus aujourd’hui. Et surtout, il représente notre principal marché pour demain. Je pense que nous avons vocation à atteindre assez rapidement 10 000 voitures. A terme, avec une gamme extrêmement complète et après 2010, je pense que le poids physiologique de Lancia est d’à peu près 20 000 voitures en France.

Il y a des constructeurs qui font évidemment beaucoup plus. La France est un marché important. Mais quand on vendra 20 000 voitures par an, nous serons parmi les petits constructeurs un des constructeurs qui comptent. Et puis surtout les choses iront très vite. Nous aurons finalement une visibilité de Lancia sur la route et je pense que nous ferons des émules. Je pense qu’à partir du moment où les gens nous voient, si nous continuons et je vous promets que nous continuerons à faire des voitures très très belles, les choses se passeront beaucoup mieux parce que nous pourrons presque nous passer de publicité.

Voir une Lancia Delta de l’époque, Integrale, qui passait sur la route, ou une Lancia Delta HPE de demain, fera certainement vendre d’autres Lancia.

Le futur ? Avec ou sans Fulvia ?

Vous avez parlé de plan produits, quelles sont justement les nouveautés à venir ?
Pour l’avenir, je vous parlerai de 2008. Et 2008 est très important pour nous parce que le segment de marché le plus important, celui des voitures moyennes, la voiture familiale, n’existe plus chez Lancia depuis la Lybra. Et même je dirais que la Lybra n’était pas la voiture idéale. C’était une très très bonne voiture, une qualité exceptionnelle, à l’allemande ou à la japonaise, mais une voiture dont le design ne traduisait pas, à mon avis, ces valeurs de tempérament, d’une certaine agressivité, et du top du design italien. Donc la Lybra c’est fini. On va lancer la Delta HPE.

C’est l’héritière de la Delta mais elle reprend le concept architectural de la Beta HPE. C’est une voiture très intéressante, extrêmement dynamique et relativement agressive. C’est une voiture qui se fait remarquer. Mais avec une grande habitabilité. Elle est un peu plus grande que le segment classique, qui est celui de la Golf, de la C4, de la Mégane, nous sommes dans ce segment là mais avec une voiture un peu plus grande. C’est une sorte de cross-over entre une berline et un break, mais avec des aspects de style qui sont un peu ceux d’un coupé pour l’expression sportive de la marque.

Je pense que c’est une voiture qui a un très large potentiel. C’est une voiture qui sera adaptée à une famille, il y a un espace intérieur et un coffre énormes, adaptée également à un célibataire qui a envie d’une voiture spacieuse sans donner l’impression traditionnelle du père de famille, quelqu’un qui veut une voiture très valorisante. C’est bien aussi pour une femme très classe ou pour le manager d’une société. Je pense que c’est une voiture qui aura un grand potentiel en France. Elle marquera vraiment le début de l’accélération pour ce qui est du marché français.

Au-delà, c’est un peu tôt pour en parler. Mais il y aura au moins une nouveauté par an. Il y aura évidemment d’ici 2010 une nouvelle Ypsilon, une nouvelle Musa. Il y aura aussi certainement une voiture pour faire rêver. C’est très important dans une gamme comme Lancia. Nous sommes en train d’y travailler. Nous verrons si c’est une voiture sportive, un cabriolet, un SUV… c’est en tous cas une voiture qui doit créer un mythe.

Cette voiture pourrait être une nouvelle Fulvia ?
Il y avait eu un projet de Fulvia avant mon arrivée en 2003. C’est déjà quelque chose qui date. C’était un prototype ou un concept je crois. A mon avis ça reste un bon concept. Cette voiture là, telle quelle, je ne suis pas sûr que nous la fassions, mais les promesses contenus dans ce prototype ou ce concept, que j’ai eu l’occasion de voir et qui m’a plu, ces promesses là seront tenues. Je peux vous l’assurer.

« Lancia en Italie, plus qu’une marque, une griffe »

Parler de Lancia c’est parler d’une marque automobile mais c’est aussi parler d’une griffe. Une griffe de design et de mode. Pour Lancia nous avons parlé d’élégance et de tempérament, deux points qui se déclinent sur à peu près tous les objets qui ont ces caractéristiques.

Ca peut être des objets liés au monde du transport, comme cette bicyclette. Nous avons voulu faire tout simplement la plus belle bicyclette du marché. Je pense qu’il n’y en a pas beaucoup qui soient ni plus belles, ni plus performantes, ni peut-être d’ailleurs plus chères. Elle est assez chère. C’est la Rolls, ou la Lancia, des bicyclettes. Elle est tout en carbone, en titane, en aluminium, elle a deux freins à disques à l’avant et à l’arrière. Tous les éléments en cuir sont signés Frau, le Hermès italien. Elle a une courroie en caoutchouc à la place de la courroie en métal, et énormément de petits détails. C’est un objet assez unique.

En Italie les gens s’arrachent les objets Lancia. Nous essayons d’appliquer cette démarche de faire le mieux, parce que ça ne sert à rien de mettre notre nom sur des objets si ce n’est pas pour faire le mieux, nous essayons de la décliner sur une série d’objets. Nous en faisons peu mais nous les faisons bien.

Par exemple le polo Lancia, avec le petit éléphant symbole des Lancia sportives de l’époque. Vous voyez le raffinement dans les détails. Par exemple dans les petits boutons il y a des strass de Swarovski, et les boutons sont plaqués or à 24 carats. Nous ne cherchons pas l’ostentation mais quand on commence à regarder dans le détail, on s’aperçoit qu’il y a quand même des choses pas banales. Il y a des boutons en or 24 carats, des strass, la petite marque Lancia…

Nous avons voulu raconter une certaine philosophie de l’élégance et du tempérament. Je pense que le futur de Lancia dépend de notre capacité à être cohérents dans la déclinaison de ces deux valeurs, élégance et tempérament à l’italienne.

3 commentaires

Parmi 1 décembre 2009 - 15:23

Olivier François, un français à la tête d’une marque italienne
C’est amusant de voir les même discours des dirigeants successifs, depuis 15 ans, qui disent que Lancia (re)fera un jour 20.000 voitures /an en France… Ce ne sera JAMAIS le cas, pourtant. JAMAIS…
Même les hauts Dirigeants “rêvent” debout…, sans y croire eux-même, d’ailleurs… Mais il faut “jouer” le jeu, faire semblant d’y croire, insufluer un vent d’optimisme auprès des “troupes”. En attendant, ils conservent leurs salaires et autre avantages.
Tout cela, quelque part, est drôlesque…
La vraie place de Lancia, en France, est à 5/8.000 véhicules, maxi.
Allez, bonne chance et stop au monde de “oui-oui”!

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Anonyme 4 janvier 2008 - 11:25

Olivier François, un français à la tête d’une marque italienne
Je suis heureux de voir confirmé le retour de la marque Lancia mais pour l’elegance et le rafinement inspiré du nord de l’Italie, Mr Olivier François n’est sans doute jamais allé dans le sud de l’Italie…qui est une pure merveille et que je conseille à tout le monde pour les vacances.

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carle 26 décembre 2007 - 23:38

Olivier François, un français à la tête d’une marque italienne
le balais balaye bien quand il ai neuf si un chien aboye trop cest le chien quil faut change et non pas le collier

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